Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/138

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tiers ; le jour, ils se retirent sur la montagne, dans des fourrés épais et presque inaccessibles. Rien n’est plus rare que de les tirer au gîte, car généralement ils fuient à l’approche de l’homme, à moins qu’ils ne soient poussés par la faim. J’ai rencontré un jeune colon chinois qui porte sur le corps dix-neuf cicatrices faites par un de ces animaux. Un jour, il était à l’affût sur un arbre, à une hauteur de trois mètres, lorsqu’un tigre de la plus grande espèce s’approcha d’un jeune chevreau qui, attaché à un arbre à très-peu de distance de l’affût du Chinois, l’attirait par ses cris. Le chasseur ayant tiré sur le carnassier, celui-ci, mortellement blessé, réunit toutes ses forces, fit un bond énorme, et, saisissant son ennemi avec ses griffes et ses dents, l’arracha de son siège et lui déchira les chairs en roulant avec lui sur le sol ; heureusement pour le malheureux Chinois, ce fut là le dernier effort du monstre ; il expira presque aussitôt.

Dans les montagnes de Chantaboun et non loin de notre demeure actuelle, on trouve des pierres précieuses d’une assez belle eau ; il y a même à l’est du bourg une éminence que l’on appelle la montagne des Pierres-Précieuses ; il paraîtrait, d’après ce que dit Mgr Pallegoix, qu’il fut un temps où elles étaient très-communes, puisque dans l’espace d’une demi-heure, il en ramassa une poignée, c’est-à-dire autant que les habitants de la province en trouvent actuellement dans une année. Ce qui prouve du reste qu’elles sont devenues très-rares, c’est que l’on ne trouve plus à en acheter, même à un prix élevé.

Il parait que j’ai gravement offensé les pauvres