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francs) par mois ; je n’ai rien perdu au change sous le rapport du confort. Pour un appartement meublé, je pense que ce n’est pas cher. Voici l’inventaire des meubles : dans le salon, rien, dans la chambre à coucher, une vieille natte sur un lit de camp. Cependant cette case-ci est plus propre, plus spacieuse et mieux couverte que l’autre, où l’eau filtrait de toutes parts, puis j’ai un large lit de camp pour me reposer de mes longues chasses. En outre, mon nouveau propriétaire me fournit de bananes et de légumes que nous lui payons en gibier, quand la chasse a été fructueuse.

Les fruits dans cette province sont aussi bons que nombreux : ce sont la mangue, le mangoustan, l’ananas, si odoriférant et qui fond dans la bouche, et surtout, ce qui est bien supérieur à tout ce que j’avais pu imaginer avant d’en avoir goûté, le fameux dourion, qui mérite à juste titre d’être appelé le roi des fruits. Toutefois, pour bien l’apprécier, il faut quelque temps ; il faut surmonter le dégoût qu’inspire son odeur lorsqu’on n’en a jamais mangé ; cette odeur est telle qu’au premier abord, j’étais obligé de m’éloigner du lieu où il s’en trouvait. La première fois que j’en goûtai, il me semblait être près de quelque animal en putréfaction ; ce ne fut qu’à la quatrième où à la cinquième tentative que je sentis cette odeur se changer en un arôme des plus agréables. Le dourion atteint en grosseur à peu près les deux tiers du jacquier, et comme ce dernier il est entouré d’une écorce très-épaisse et épineuse, qui le protège contre la dent des écureuils et des autres rongeurs ; en l’ouvrant, on trouve à l’intérieur dix