Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/143

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rejeta sur moi en s’écriant avec toutes les marques du plus grand effroi : « Un serpent ! retirez-vous ! » et au même instant j’aperçus un énorme boa qui, à une quinzaine de pas tout au plus, la tête levée, la gueule ouverte et dardant sa langue fourchue, paraissait prêt à s’élancer sur mon guide. Mon fusil était chargé d’un côté de deux balles et de l’autre de gros plomb. Je mis en joue et lâchai la détente des deux coups à la fois ; un épais nuage de fumée nous enveloppa, et nous ne vîmes plus rien. Le plus prudent pour nous était de battre en retraite, ce que nous fîmes aussitôt. Nous attendîmes pendant quelque temps à l’entrée de la grotte avec anxiété, prêts à combattre l’ennemi s’il se présentait, mais rien n’apparut. Mon bon guide donna ici la preuve de son courage : ayant rallumé une torche, il se munit de mon fusil fortement rechargé, d’une longue corde, et pénétra de nouveau, mais seul dans la grotte. Nous tenions un des bouts de la corde afin de pouvoir, au moindre signal, voler à son secours. Pendant quelques instants, qui nous parurent d’une longueur immense, notre anxiété fut terrible ; mais quels ne furent pas notre étonnement et notre joie en voyant revenir Phraï tirant après lui la corde au bout de laquelle traînait une énorme boa. La tête du reptile avait été fracassée par mes deux coups de feu, et il était mort sur place. Nous ne cherchâmes pas, ce jour-là, à pénétrer plus avant dans la grotte ; nous étions satisfaits du succès de notre excursion.

J’avais appris qu’une grande fête allait être célébrée par les Siamois, dans une pagode située à une lieue dans la montagne, en l’honneur d’un supérieur de tala-