Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/150

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car ils n’avaient pas dormi la nuit précédente. Nous étions à une journée et demie de Kampôt. À minuit, nous levâmes l’ancre et nous voguâmes, doucement bercés par les flots, nos voiles à peine enflées. Lorsqu’on a dépassé la pointe nord-ouest de la grande île Koh-Dud, qui appartient à la Cochinchine, le coup d’œil devient de plus en plus beau ; la terre forme cadre de tous côtés, et il semble qu’on vogue sur un lac aux contours arrondis et verdoyants. À l’est s’étendent les côtes et les îles de la Cochinchine jusqu’à Kankao, à l’ouest et au nord, celles du Cambodge, couronnées par une belle montagne de neuf cents mètres de hauteur. Celle-ci rappelle si bien le mont Sabab, que Phraï cria au pilote : « Mais vous nous ramenez à Chantaboun ; voilà le mont Sabab. » Nous ne pûmes jouir longtemps du superbe tableau qui se déroulait à nos yeux, car, peu d’instants après notre entrée dans le golfe, d’énormes nuages noirs s’amoncelèrent au sommet de la montagne, et par degrés la voilèrent entièrement. Ils furent bientôt sur nos têtes ; le tonnerre grondait avec force, et un vent épouvantable faisait filer notre barque, couchée sur le flanc, avec la vitesse d’un bateau à vapeur. Le pilote même tremblait au gouvernail et me demandait de l’arack pour soutenir ses forces et son courage. Après une demi-heure de cette course effrénée, les nuages crevèrent et une pluie torrentielle nous transperça ; mais elle fit tomber le vent ; nous étions alors arrivés dans le lit de la rivière qui conduit à Kampôt.

Il paraît que le roi devait passer en revue, le jour de notre arrivée, les navires qui se trouvaient dans