Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/221

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n’auraient pu supporter, sans se briser, les cahots de la route.

Les pluies avaient cessé depuis trois semaines, et je fus agréablement surpris en retrouvant la nature, dans les endroits que nous traversions, plus riante qu’au mois d’août ; les sentiers étaient secs, et je n’avais plus à redouter les mares fangeuses et les nuits de pluie.

Arrivés à une des stations où nous devions passer la nuit, nos domestiques allumaient du feu pour cuire le riz et éloigner les animaux sauvages, quand nous vîmes nos bœufs, notre chien et notre singe témoigner également une sorte d’anxiété et donner les signes du plus grand effroi ; presque aussitôt nos oreilles furent frappées d’un rugissement semblable à celui du lion. Notre premier mouvement fut de sauter sur nos armes, toujours chargées et d’attendre. Plusieurs rugissements semblables se faisant entendre à une distance très-rapprochée augmentèrent l’effroi de nos animaux, et ne laissèrent pas que de nous faire éprouver à nous-mêmes une certaine émotion. Je propose d’aller au-devant de l’ennemi, proposition aussitôt acceptée, et nous nous engageons dans l’intérieur de la forêt du côté d’où nous venait le bruit, tous armés de fusils et de piques. Nous tombons sur les traces que les animaux perturbateurs de notre repos venaient de laisser sur leur passage, et, dans une petite éclaircie de la forêt, au bord d’un marécage, reste des pluies, neuf éléphants, conduits par un vieux mâle d’une taille monstrueuse, s’offrent à nos regards, la tête tournée de notre côté.