Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/308

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Une foule d’officiers, de femmes et d’enfants accroupis ou prosternés les entourent, prêts à leur tendre l’urne d’or qui leur sert de crachoir, des boites d’arec ou des coupes à thé, faites du même précieux métal, et chefs-d’œuvre des orfèvres du Laos ou du Ligor. Chacune de ces embarcations est montée par quatre-vingts et même cent rameurs, la tête et le corps nus, les reins ceints d’une large écharpe blanche tranchant sur le bronze de leur peau et sur leur langouti rouge ; ils lèvent ensemble simultanément leurs pagaies et frappent l’eau en mesure, tandis qu’à la proue et à la poupe, relevés en courbes légères et gracieuses, se tiennent deux autres esclaves, l’un maniant avec dextérité une longue rame qui lui sert de gouvernail, l’autre prêt à prévenir tout abordage.

Continuellement un cri d’excitation sauvage se fait entendre : « Ouah… ! ouah ! » tandis que, par intervalles, l’homme de l’arrière en pousse un autre plus prolongé et plus fort qui domine tous les autres ; puis viennent des pirogues chargées de musiciens, de rameurs, de femmes et même de nourrices avec leurs nourrissons.

Tout cela passe rapidement, et déjà on n’entend plus que les cris lointains et les sons étouffés des instruments, on ne voit plus que d’autres embarcations montant et descendant le fleuve, presque aussi longues que les premières, quoique également taillées dans un seul tronc d’arbre, n’ayant d’autre ornement que des banderoles, beaucoup plus légères et luttant de vitesse. Les hommes, les jeunes filles, les enfants, chaque âge, chaque sexe a la sienne ; mais que d’ef-