Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/311

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milles seulement de Singapour. Il y avait là de bien belles choses qui auraient fait grand plaisir à mes correspondants, et j’aurai sans doute beaucoup de peine à les remplacer. Mais l’expression de la tendre et continuelle affection des miens me fait oublier ces pertes. C’est un encouragement à mieux faire qui m’arrive au moment opportun, au moment du départ. Merci, mes bons amis ! Je continuerai, pendant ce voyage, à prendre note de mes petites aventures, bien rares, hélas ! Je ne suis pas un de ces voyageurs qui tuent un éléphant et un tigre du même coup de fusil ; « le moindre petit insecte ou coquillage inconnu fait bien mieux mon affaire » ; cependant, à l’occasion, je ne recule pas devant les terribles hôtes de ces bois, et plus d’un individu de différentes espèces sait combien loin porte ma carabine et de quel calibre sont mes balles. Tous les soirs, enfermé sous ma moustiquaire, soit dans quelque cabane, soit au pied d’un arbre, au milieu des jungles ou au bord d’un ruisseau, je veux causer avec vous ; vous serez les compagnons de mon voyage, et mon plaisir sera de vous confier toutes mes impressions et toutes mes pensées.

À peine étais-je éloigné de l’excellent M. Malherbes, que je découvris dans le fond de ma barque une caisse qu’il avait fait glisser parmi les miennes ; à Petchabury déjà, il m’en avait envoyé trois ; aujourd’hui, il me comble encore de ses prévenances. Quelques douzaines de bouteilles de bordeaux, autant de cognac, des biscuits de Reims, des boîtes de sardines, enfin une foule de choses qui me rappelleraient, si jamais je pouvais, l’oublier, combien, si