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ancien Grec aurait dit la théorie) qui, chaque année, lors de l’apogée de l’inondation, se rend en grande pompe au sommet du Delta, pour signifier au Ménam que sa crue est suffisante, et qu’il ait, en conséquence, à baisser le niveau de ses eaux.

Il y a en cette occasion, de la part des saints personnages, un grand déploiement de chants et d’exorcismes, dont la vertu ne saurait être mise en doute ; car si mauvaise volonté que montre le fleuve, il finit toujours, un peu plus tôt, un peu plus tard, par rentrer dans son lit.

Les talapoins usent des mêmes pratiques contre toutes les calamités venant du fait de la nature, telles que sécheresses ou pluies prolongées, passages de sauterelles, épidémies, etc. On raconte que, lors de la première invasion du choléra (venu de Java, selon l’opinion commune), ils n’imaginèrent rien de mieux que de rejeter le terrible fléau à la mer, qui semblait l’avoir vomi. Les pauvres Phras se déployèrent donc en lignes serrées et parallèles, sur tous les bras du fleuve qui mènent de Bangkok à l’Océan, et les descendirent en chantant, objurguant et anathématisant avec un zèle ardent, digne d’un meilleur sort que celui qu’éprouva plus de la moitié d’entre eux, foudroyée dans un court trajet de huit lieues, par l’invisible ennemi qu’ils pourchassaient. Néanmoins, comme au bout d’un certain temps le choléra, suivant sa marche habituelle, perdit de sa violence et finit par disparaître, les survivants de cette héroïque équipée ne manquèrent pas de s’attribuer la victoire.

Au moment de m’éloigner, peut-être pour n’y