Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus l’appeler un clergé régulier, car, bien que les talapoins assistent et même président à toutes les phases principales de la vie sociale, à la naissance, à la tonte du toupet, au mariage, à la mort, et enfin aux funérailles, ils n’admettent en aucune manière que la sanction religieuse qu’ils apportent à ces actes profite à d’autres qu’à eux-mêmes. Le mérite de leurs œuvres n’est que pour eux, non pour ceux qui les emploient. Ils n’ont point charge d’âmes ; en un mot, ils ont un public, mais point d’ouailles.

Ce n’est pas que ce public leur marchande jamais le prix de leurs services. Bien loin de là, il les traite avec la plus grande vénération ; il leur concède les prérogatives les plus flatteuses, les titres les plus pompeux. Les gens du commun se prosternent devant eux, même au milieu des rues, en joignant les mains à la hauteur du front ; les mandarins, les princes mêmes, les saluent des deux mains ; et si le roi ne les salue que d’une seule, il les fait asseoir auprès de sa personne. Chaque jour il distribue lui-même l’aumône à plusieurs centaines d’entre eux, et cet exemple est suivi dévotement par la reine et les principales femmes du palais.

Car, bien qu’il soit écrit parmi les deux cent vingt-sept articles de la règle austère des talapoins :

    entre les hommes. Quoi qu’on puisse objecter contre le synchrétisme grossier qui a greffé ses doctrines, expulsées de l’Inde, sur les superstitions primitives de l’extrême Orient et du nord de l’Asie, on doit reconnaître qu’elles n’en ont pas moins préservé quatre cents millions d’hommes de la destinée des vieilles races d’Égypte et de l’Inde, parmi lesquelles la notion étroite et mortelle de la caste a étouffé en germe celle de la patrie et de la nationalité.