Page:Mourguet - Théatre lyonnais de Guignol, tome 1.djvu/105

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patron : je devins le gérant de toutes ses propriétés. J’eus le bonheur d’apaiser une révolte d’esclaves dans laquelle sa fortune & sa vie couraient les dangers les plus imminents ; & il y a cinq ans, à sa mort, comme il n’avait pas d’enfant, il m’a institué héritier de toute sa fortune, qui s’élevait à trois millions. Je l’ai encore augmentée par cinq années de travail. Mais le désir de revoir mon pays natal, de savoir ce qu’était devenue ma famille, m’a bientôt fait prendre en dégoût la position brillante, mais isolée, que j’avais à la Martinique ; j’ai réalisé ma fortune, j’ai vendu mes plantations, je me suis embarqué, & me voilà !

VICTOR.

Mais, Monsieur, lorsque je vous ai rencontré à Marseille, vous portiez un costume plus convenable à votre condition. Pourquoi venez-vous de prendre celui-ci à l’hôtel où nous sommes descendus ?

JÉRÔME.

Tu es jeune, mon cher Victor, & tu ne connais pas encore les hommes. J’ai quitté mon pays & ma famille il y a trente ans : il se passe bien des choses en trente années. Mon père & ma mère sont morts. Mais mes parents, mes amis, comment me recevront-ils ? Je sais bien qu’ils recevront à bras ouverts Jérôme trois fois millionnaire ; mais recevront-ils aussi bien Jérôme pauvre, Jérôme ouvrier, Jérôme au retour d’un long voyage, dont il ne rapporte que des infirmités ? Voilà ce que je voudrais savoir, voilà pourquoi j’ai pris ce costume.