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L’ENVERS DU JOURNALISME

bles. Martin acceptait tout et menait tout à bien, excepté une fois qu’il fut tellement surchargé qu’il ne put faire tout ce qu’on lui avait demandé. Dorion ne fit qu’en rire : il avait prévu la chose et il avait donné une partie de la besogne à un autre.

Martin continuait toujours à s’occuper de la cour du recorder, mais on lui faisait faire des courses, chercher des interviews, rédiger des nouvelles à la main… Dorion s’était avisé qu’il était robuste et qu’il aimait les sports, et il en avait pris prétexte pour lui faire écrire une petite chronique sportive quotidienne. Martin la fit, les premiers jours, avec plaisir et un tantinet de vanité ; il la continua par habitude et il finit par l’écrire par devoir. Il la soignait de son mieux et c’était devenu pour lui, une seconde nature de se livrer à des considérations sportives pendant dix minutes, chaque matin. Quand Dorion partit et fut remplacé par un nouveau city editor, Martin cessa. Le gérant du journal lui demanda, un jour, pourquoi il n’écrivait plus de ces chroniques, et ce n’est que ce jour-là que Martin fut certain qu’il avait eu au moins un lecteur.

Une journée, on l’envoyait sur les lieux d’un accident ; une autre, on l’envoyait à un banquet. Quand on ne l’envoyait nulle part, on le chargeait de répondre aux messages téléphoniques ou de recevoir les gens qui venaient à la rédaction donner des nouvelles. S’il s’agissait d’un décès et si le visiteur apportait le portrait du défunt, Martin employait toutes sortes de ruses pour que son journal fût seul à avoir le portrait. Généralement, le visi-