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signé J.-B. Rivard. On y disait comment plusieurs ministres et députés radicaux préféraient se ballader çà et là plutôt que de s’occuper des affaires de la Province ; et à quels expédients ils avaient ensuite recours pour remplir le trésor qu’une mauvaise administration ne suffisait pas à alimenter. L’honnêteté et la logique qui éclataient dans chaque phrase de cet article en faisaient un réquisitoire terrible contre le gouvernement.

Depuis plusieurs mois ce journal dénonçait le gouvernement ; il donnait des preuves et il énonçait des faits : de sorte que les ministériels étaient forcés pour le combattre de manquer à la fois de logique et de véracité, et d’entasser sophismes sur mensonges.

« La Justice » passionnait, à ce moment, l’opinion publique ; aussi rien d’étonnant à ce que, chez les étudiants, où l’enthousiasme est toujours un cran plus haut que partout ailleurs, on s’en occupât beaucoup.

Elle était très diversement appréciée, en différents quartiers, et il en était de même de son directeur, Jean-Baptiste Rivard.

On discutait ferme et on s’interrompait seulement quelques secondes, pour saluer les professeurs, au fur et à mesure qu’ils arrivaient.

Enfin l’appariteur ouvrit la porte de la salle des cours et tout le monde y pénétra.

Au bout de la pièce, rangés autour de la chaire du doyen, les professeurs, le vice-recteur et le secrétaire de l’Université ; assis aux innombrables pupitres jaune clair, les étudiants. Le jour, qui pénètre à flot par les croisées, donne un air de gaieté à l’apparat de cette solennité.

Le doyen prend la parole. Il parle en père : ses conseils sont ceux de l’affection et de la sagesse : « Soyez sobres… Travaillez… Soyez bons… Pensez à l’avenir… Songez que vous serez à la tête du pays ; préparez-vous à y figurer dignement et à rendre à vos concitoyens les services qu’ils attendent de vous. »

Il donne alors des conseils plus précis sur le travail, les cours, les examens et prend, devant les élèves de première année, les élèves de troisième à témoins qu’ils n’ont pas suivi ses conseils et qu’ils s’en repentent. — Ce qui fait rire tout le monde et M. le doyen, lui-même.

Chaque, professeur apporte tour à tour sa contribution à la liste de sages conseils et de renseignements intéressants : le droit romain a servi de base au nôtre et il est le produit le plus admirable de l’esprit humain ; la procédure est pour le moins aussi utile que le droit lui-même ; le droit commercial est le plus fréquemment utilisé…

Les nouveaux écoutent avec intérêt et les anciens avec plaisir.

Le vice-recteur parle alors et invite les étudiants à assister à la messe, en corps, le dimanche, à Notre-Dame-de-Lourdes.

Un ban ! fait un étudiant, quand les discours sont finis. Un autre ! crie-t-on.

Et on bat des bans jusqu’à ce que les professeurs soient étourdis par la joie des étudiants.

Ce jour-là, pas de cours : Édouard put donc remonter à sa chambre et se reposer un peu.


CHAPITRE IV.

La vie universitaire


St-Germain, 28 septembre 190…
Mon cher Édouard,

J’ai fait du ménage dans ta chambre, aujourd’hui. Ça m’a fait de la peine de penser que tu n’en jouirais pas. J’ai arrangé toutes tes affaires