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ils ne veulent pas voir clair.

— Car, enfin, c’est un principe de droit constitutionnel et aussi une vérité de bon sens que le cabinet est tout entier responsable des actes d’un de ses membres. Or Ravaut, à leur connaissance, a fait des bêtises ; ils l’ont laissé faire, si bien, qu’à force de continuer, il a fini par être obligé de partir ; et ils demeurent là, eux, ses complices.

— C’est qu’ils n’ont pas précisément la conscience nette, à part cela : assassinat de leur chef, incurie, mal administration, manque absolu de patriotisme et même de sens pratique, transactions dont on ne peut pas voir le fond ; c’est bien à eux, tout cela.

— C’est incroyable.

— Ils s’en moquent joliment du serment d’office — et du peuple, par-dessus le marché.

— Ils ne s’en moqueront peut-être pas longtemps.

À ce moment, l’appariteur sortit de nouveau.

Il était près de onze heures et demie.

Des nouvelles, lui cria-t-on de toutes parts ?

— Vous n’en aurez pas avant deux heures.

Et comme les étudiants s’éloignaient, il alla trouver Édouard et lui dit : vous n’êtes pas en peine ?

— Un peu.

— Eh ! bien, si ça peut vous faire plaisir, je puis vous dire que vous n’êtes pas bloqué.

— Est-ce que je suis licencié ou bachelier ?

— Ils vous diront ça.

— Et moi, dit Ricard, vous n’avez pas de nouvelles pour moi ?

— Vous aussi, vous êtes passé.

— Allons ! tant mieux ; nous vous remercions.

Restait l’examen oral.

À deux heures, les étudiants revinrent.

Même manège que le matin : on se promenait, l’air indifférent, et l’on bondissait sur l’appariteur, aussitôt qu’il sortait.

Ricard et Leblanc, sûrs de leur affaire, mais n’aimant pas à triompher seuls, feignirent d’attendre, eux aussi le résultat.

Un peu collégiens encore, quelques étudiants cherchaient les rangs, respectifs que leur donneraient les examens.

L’appariteur sort, une feuille de papier à la main. C’est le résultat.

On l’entoure.

À mesure qu’il nomme les heureux, on se réjouit et on se félicite. Une couple ne sont pas mentionnés ; ils ne réclament pas, sachant la raison de cet oubli. Ce sont les blessés, tombés sur le champ de bataille.

Alors commence l’examen oral.

C’est à qui entrera le premier. On se masse à la porte, on se pousse, on s’étouffe et on rit. — Les étudiants,… vous savez, mesdames.

Encore plus de presse qu’au confessionnal, un jour de fête. Chacun garde soigneusement sa place et se précipite, quand un étudiant sort, rayonnant, après l’épreuve qui lui confère le degré de l’université.

Tous passent : l’examen oral n’est, en général, qu’une formalité, quand on a subi l’examen écrit avec succès.

« Qu’est-ce qu’ils t’ont demandé ? »

On apprend à la hâte la réponse qui est la bonne, au cas où l’on se verrait poser la même question.

Puis l’étudiant rentre, une seconde fois. Ses professeurs lui disent quel degré il a obtenu et le renvoient félicité et heureux.

Les passés se rassemblent à part et se réjouissent en commun, un peu à l’écart : de minute en minute, un nouvel arrivant grossit leur groupe et