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Il s’endormit paisiblement.

Dors ; tu as pour toi la jeunesse, la confiance et la force ; tous les maux peuvent t’atteindre sans t’ébranler et tu peux aspirer à tous les succès et à tous les bonheurs.


CHAPITRE XI.

La licence


Le vingt-deux décembre au matin.

Dans le grand corridor de l’université, à l’étage de la faculté de droit, les étudiants vont et viennent.

L’heure du cours est passée ; ceux qui sont là, dans le corridor plein de feuillage, et aux larges fenêtres, sont des étudiants de dernière année. Parmi eux se trouvent Ricard et Édouard ; Lavoie et Soucy sont venus, eux aussi, mais pour connaître le succès d’Édouard aux examens pour la licence.

L’examen par écrit a été passé le vingt ; et on attend d’en connaître le résultat pour subir l’examen oral.

On n’est pas encore avocat ni même licencié et on n’est déjà plus étudiant. On regrette l’université et on sourit à l’avenir.

Tous se promènent comme de bons rentiers. Ils sont libres et heureux : ils ont terminé leur tâche, mis la dernière main à la préparation : quoi qu’il arrive, maintenant, ils se débarrassent pour quelques heures du joug de l’étude, se redressent et se reposent pour se présenter à l’examen l’esprit libre et frais.

Chacun récapitule pour la centième fois les questions de l’examen écrit et les réponses qu’il y a faites ou qu’il croit y avoir faites — ce qui n’est pas la même chose — et suppute ses chances de succès. On s’enquiert d’un voisin de ce qu’aurait dû être la bonne réponse à telle ou telle question, et, selon le cas, on saute de joie ou on demeure atterré.

Penses-tu avoir passé, Leblanc, lui demande, un camarade ?

— Je l’espère.

— Tu es bien chanceux.

Lui et Ricard s’éloignent un peu.

À chaque moment, une fausse alerte : l’appariteur, rouge et affairé, sort précipitamment de la salle où les professeurs sont en session ; on se précipite : des nouvelles ?

— Pas encore.

L’instant d’après, il sort encore.

Même jeu.

Alors, on devient indifférent à ses agissements et il peut à son aise entrer dans le bureau de correction ou en sortir, sans se trouver instantanément entouré de vingt étudiants.

Il lui est venu de belles adhésions dit Édouard. — Il parle d’Ollivier et des nouvelles recrues qu’il a faites.

— Oui ; pas bien nombreuses, cependant.

Ça s’explique aisément : les modérés n’ont pas besoin de passer ostensiblement à lui, puisqu’il combat les radicaux.

— Certainement ; et les quelques radicaux qui vont à lui ne sont pas les premiers venus.

— Bérard, de Québec, par exemple.

— C’est un garçon honnête et très indépendant de fortune. Quelques recrues comme celles-là valent beaucoup mieux, pour Ollivier, auprès de ceux qui savent voir clair qu’une centaine d’autres. Quand on voit des gens riches et indépendants, bien renseignés et honnêtes, tourner le dos à leur parti et se mettre avec Ollivier pour renverser le gouvernement, — des gens surtout qui n’avaient pas coutume de se mêler de politique, — on doit conclure que le gouvernement n’est pas du tout ce qu’il devrait être.

— C’est drôle, que les gens ne veulent pas voir clair.

— Tu as bien raison : c’est le mot :