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inébranlable au monde : le dévouement et la religion.

Dites-moi que vous me comprenez, que vous m’approuvez, et que vous m’aimez.

Votre fiancé,
Édouard.


Mon cher Édouard,

J’ai d’abord failli pleurer en lisant votre lettre : elle est si austère que je me demandais si elle est bien de vous.

Pardonnez-moi ce mouvement d’enfantillage.

Vous avez eu bien raison de m’écrire comme vous l’avez fait ; j’ai réfléchi profondément et cela m’a fait du bien. Aujourd’hui, je comprends mieux certaines choses ; je vois plus clairement l’avenir et je n’en suis pas moins courageuse, et je vous aime encore davantage.

Vous me demandez mon approbation ; c’est par là que je veux commencer : oui, mon Édouard chéri, je vous comprends et je vous admire, je partage vos idées et surtout je vous aime.

Il n’y a pas de sacrifices que je ne sois prête à faire pour vous et je n’aurai pas de plus grand bonheur que de vous prouver mon amour par mon dévouement ; quant aux devoirs, vous me les indiquerez, maître chéri, et je les remplirai fidèlement.

Vous m’avez fait le tableau un peu sombre, sans doute pour m’inspirer de plus sérieuses réflexions ; mais il ne m’effraie pas, quand même.

Vos défauts et vos caprices, mon Édouard, ne sont rien auprès de mes imperfections ; et je suis certaine de ne pas me tromper en choisissant l’homme que j’estime entre tous et que j’aimais secrètement depuis des années.

Le labeur quotidien, j’y suis accoutumé et il me sera doux quand je travaillerai pour vous ; la fatigue, vos tendresses la feront disparaître, et les jours ne me sembleront jamais trop longs à penser à vous.

Nous serons deux pour porter les responsabilités : mon affection et vos conseils suffiront à tout.

Je me réfugierai dans vos bras quand la vie sera trop lourde ; vous me consolerez.

Oui ! nous aurons confiance l’un dans l’autre ; vous serez tout pour moi et je serai tout pour vous.

Du fond du cœur, Édouard, je vous promets obéissance, amour, dévouement et fidélité.

Que Dieu qui voit mes intentions nous bénissent tous deux et m’accorde de vous rendre heureux.

Votre fiancée,
Blanche.


Il fallait, pour qu’Édouard et sa fiancée pussent s’écrire de telles choses qu’ils fussent au-dessus du commun des amoureux.

On sait, en effet, quelle est généralement l’attitude de deux amoureux ou prétendus amoureux, quand ils en sont rendus à cette phase de leurs amours.

Si la jeune fille est assez indépendante, elle enverra promener le prétendant qui se permettra de lui parler un langage aussi ferme et aussi juste ; si elle est follement éprise — ou habile — elle acquiescera à tout ce qu’on lui dira, quitte à renier, ensuite, serments et mari.

Les idées élevées, la franchise et la confiance de nos deux fiancés sont l’exception et ne se rencontrent presque jamais.

Le seul moyen de prendre de l’empire sur une femme est de la traiter de haut, avec bonté mais comme une enfant, et de la mener où l’on veut sans qu’elle s’en doute.

Toute autre manière est inefficace.