Page:Mousseau - Mirage, 1913.djvu/15

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 6 —

porté des ombrelles. Elles étaient en toilette claire et mises simplement, comme il convient quand on va passer une journée au bois et qu’on va courir dans les buissons. Les papas et les mamans, en gens pratiques, qui ne se soucient plus d’attrapper des coups de soleil, avaient mis de larges chapeaux de paille, dont le confort était la qualité dominante. Quelques messieurs avaient des panamas, mais plusieurs, sachant qu’ils risquaient de les accrocher dans les broussailles, de les salir ou de les briser, avaient tout simplement pris de grands chapeaux de la paille la plus grossière, qu’ils se proposaient bien de jeter au retour.

L’excitation était grande dans le village : les jeunes filles couraient se joindre les unes aux autres, afin de faire route avec leurs amies de choix, et les jeunes gens arpentaient précipitamment les rues, en cherchant à se rendre utiles, chargés de divers colis et aussi importants que s’il se fût agi d’une affaire d’état.

Rendez-vous avait été donné chez madame Ducondu et on devait aussi prendre plusieurs invités en route. Le pique-nique avait lieu sur la terre de Josaphat Beaulieu, à un mille et demie au nord du village.

Deux ou trois charrettes arrivèrent en même temps, à huit heures et demie, avec leur contingent de provisions et d’invités.

Les provisions occupaient le devant des charrettes ; elles étaient entassées dans de vastes paniers, d’où s’échappait une bonne odeur de viandes, de pâtisseries et de fruits mûrs. Une place était réservée pour celui qui conduisait le cheval et qui s’asseyait presque sur le timon de la charrette, les jambes pendantes. Tout le reste de l’espace disponible avait été couvert de matelats et de tapis, où les gens avaient pris place. On ne les voyait guère, car des branchages ornaient les deux côtés de la charrette, mais on entendait les rires sonores et joyeux et on apercevait les toilettes claires, au travers du feuillage qui transformait chaque véhicule en un bosquet ambulant, plein de rires et de gaieté.

Toutes ces corbeilles de verdure s’arrêtèrent dans le vaste parterre qui s’étendait devant la maison du docteur Ducondu et les jeunes filles en descendirent, comme un envol de papillons. Ce fut un joli instant. Le parterre se peupla soudainement et, pendant quelques mimoments, il faut animé d’une vie intense. On se reconnaissait, on s’exclamait, on s’embrassait, et Ernestine et sa mère avaient fort à faire pour répondre à toutes.

Les jeunes gens faisaient groupe, un peu à l’écart, et causaient entre eux.

Ernestine aperçut tout-à-coup, au milieu d’eux, Louis Duverger, qui renouait connaissance avec une couple de camarade d’université retrouvés pami les pique-niqueurs. Elle lui adressa un gracieux sourire et Louis vint à elle, content d’avoir été reconnu.

« Vous allez nous aider », lui dit-elle, en souriant, après avoir échangé quelques mots avec lui. Les autres jeunes gens approchèrent