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laquelle il tenait une place considérable, crut avoir perdu son ami d’enfance et elle en fut chagrinée.

Une jeune fille ne sent jamais si bien qu’elle s’intéresse à un jeune homme que quand elle suppose qu’il a des attentions pour une autre femme. Quand on découvre qu’on est jalouse, on découvre qu’on est amoureuse ou bien près de l’être. La pauvre Marcelle fit cette triste découverte et elle pleura.




CHAPITRE III



Le docteur Ducondu arpentait rapidement la rue Saint-Jacques. Il venait d’assister à une réunion du conseil d’administration d’une société dont il faisait partie et il se hâtait d’aller voir quelques malades, avant souper.

Il croisa, en chemin, un groupe de plaideurs et d’avocats qui sortaient du Palais, après l’audience de l’après-midi. Parmi eux se trouvait Jean Larue, qui aborda familièrement le docteur, en lui disant : « vous faites des affaires ? »

— Oui, répondit le docteur, je viens d’assister à une réunion.

— La profession ne suffit plus à votre activité !

— Au contraire, je commence malheureusement à m’en détacher.

En effet, le docteur Ducondu, qui s’était amassé une jolie fortune, commençait à négliger quelque peu sa clientèle et à se consacrer plus exclusivement à l’administration de sa fortune. Il ne soignait que le jour et ne sortait plus la nuit.

Il dépassait la cinquantaine et il éprouvait le besoin d’un peu de repos. S’étant marié tard à une femme un peu plus jeune que lui, dont il n’avait eu qu’une fille, Ernestine, il considérait qu’il n’avait plus de raison de se surcharger d’un travail inutile, puisqu’il avait assez de biens pour mener une vie large et aisée. Il n’avait gardé que ses anciens clients et quand de nouveaux patients avaient