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faire un petit bout de causette avec son frère Henri et avec Marie. La mère Beaulieu était dans la maison et le père Beaulieu était à l’écurie.

Louis s’assit avec les trois jeunes gens et annonça son prochain départ pour Saint-Augustin. Ses paroles firent jaillir une lueur d’envie dans les yeux de Marie et d’Henri, qui dirent presque en même temps : « tu es bien chanceux ! » Ils rirent de l’ensemble qu’ils avaient mis dans leur réponse et Louis dit : « ça l’air comme si vous aimeriez cela revenir à Saint-Augustin… »

— Je ne sais pas, dit Henri. J’aimerais au moins à aller y faire un tour.

— Tu peux venir chez nous.

— Merci, mais c’est difficile de laisser l’épicerie.

— Ça pourrait bien marcher sans toi.

— Oui, mais papa se fatiguerait.

— Dans ce cas-là, Joseph pourrait venir faire un tour, lui :

— Je ne peux pas, murmura Joseph.

— Pourquoi ? Ton patron va sûrement te donner quelques jours de vacances.

— Je ne sais pas.

— Je le sais bien moi : les employés ont toujours quelques jours de repos.

— Je ne pourrais pas m’absenter de la ville : ça va être le bon temps pour « l’immeuble » pendant l’été.

— Tu n’es pas pour faire de l’immeuble tout l’été.

— On ne sait pas… il se présente des chances… je pourrais vendre ma maison ou emprunter dessus, donner une hypothèque et faire d’autres placements.

— Il me semble que tu as fait un assez beau placement.

— Oh… oui, seulement, si je trouvais l’occasion de vendre avec profit et de racheter une autre propriété, tu sais…

— C’est vrai. Alors quand viendras-tu chez nous ?

— C’est difficile à dire : à l’automne tu seras revenu en ville et tu ne seras plus chez toi.

— Je voudrais bien avoir la chance que tu as, dit Henri à son frère : j’irais à Saint-Augustin. Quand je pense que ça fait presque un an que je n’ai vu personne de chez nous, excepté Louis et son père.

— T’ennuies-tu de Saint-Augustin, lui demanda Louis ?

— Je ne m’ennuie pas, parce que papa et maman sont ici, mais j’aimais mieux être là-bas : on s’amusait bien plus.

Henri avait raison sous ce rapport, car il n’avait plus que ses dimanches soirs à lui, depuis son arrivée en ville, tandis qu’à la campagne on s’amuse pendant les longues soirées d’hiver où on a des loisirs. C’est le temps des danses et des « veillées », qui se prolongent depuis le jour de l’an jusqu’au carême. Et les jeunes gens de la campagne voient avec un véritable bonheur arriver ce temps des divertissements.

« Moi », dit Marie, « j’aimerais ça être encore à Saint-Augustin.