Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, I.djvu/170

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trois abeilles fond d’or. Les Ragusains l’ont appelé depuis pavillon du roi du monde.

Pendant les dix mois qu’il passa dans cette île, l’Empereur donna des développements à l’exploitation des mines de fer dont cette terre abonde. Il fit tracer des routes, planter des arbres ; il prit, en un mot, toutes les mesures désirables pour faire jouir les Elbois d’une bonne administration.

Pendant le séjour qu’il fit dans cette île, il reçut la visite de sa mère et de sa sœur Pauline, princesse Borghèse, auxquelles il céda l’étage qu’il avait fait construire entre les deux pavillons de son habitation de Porto-Ferrajo. Il passait une partie de ses journées dans un kiosque vitré qu’il avait fait élever sur le sommet d’un rocher ; seul il y entrait. Les Elbois donnèrent à ce kiosque le nom de casa di Socrate.

« L’Empereur menait à l’île d’Elbe une vie très-active ; toujours levé avant le jour, il consacrait au travail les premières heures de la matinée ; venait ensuite la revue ; elle ne se bornait pas, comme au Carrousel, à un coup d’œil numératif jeté en courant sur des corps nombreux : c’était une inspection minutieuse, dont l’âme toute militaire de Napoléon savourait, pour ainsi, dire, les détails. Chaque grenadier était interrogé sur ses occupations, ses habitudes, sa santé et même ses sentiments. Les braves de l’île d’Elbe se plaignaient quelquefois : l’Empereur leur donnait ou leur permettait ce qu’ils demandaient, si l’objet réclamé était en son pouvoir ; autrement, il les appelait grognards, leur tirait la moustache et s’éloignait en souriant.

« Dans la soirée, Napoléon faisait une promenade à cheval, accompagné de ses principaux officiers. Quelquefois il recevait les visites des étrangers de distinction qui affluaient dans l’île, rien que pour l’apercevoir ; mais le plus souvent, il s’égayait, avec son état-major, des injures que lui prodiguaient ceux des journaux français qui l’avaient le plus servilement flatté avant sa chute.

« Ainsi s’écoulaient les jours de l’Empereur, tantôt à Porto-Ferrajo, tantôt à Porto-Longone ou à Rio. Sa garde, à l’exemple des guerriers romains, participait à la plupart des travaux qu’il avait entrepris dans l’île ; elle s’augmentait journellement des militaires que le dévouement amenait auprès de sa personne. À peine Napoléon pouvait-il soutenir ce bataillon fidèle ; n’importe il se grossissait… Quelques officiers supérieurs y prirent du service comme de simples soldats8. »

L’Empereur avait choisi l’île d’Elbe, de préférence à la Corse et à Corfou, mais sans arrière-pensée, quoiqu’on ait prétendu le contraire. On en a la preuve dans des faits bien connus aujourd’hui de plusieurs personnages, et dont nous croyons devoir dire quelques mots.

Au mois de mai 1814, les amis de l’indépendance italienne, se réunirent tantôt à Turin, tantôt à Gênes, en congrès constitutif9. Après avoir mûri leur projet et rédigé leur constitution, ils chargèrent l’un d’eux de se rendre à Porto-Ferrajo et de communiquer le tout à l’Empereur. Cet envoyé était en même temps porteur d’une dépêche particulière, rédigée par quatre commissaires, nommés pour cet objet par le congrès.