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d’un autre genre ; cependant, quand elles furent faites, on reconnut que cette prétendue colonne ennemie n’était autre chose que le premier corps de l’armée française qui manœuvrait sans qu’on sût pourquoi. L’empereur reprit son premier dessein et marcha sur Ligny, il était sept heures du soir. Ligny fut emporté par la Garde au pas de course. Les Prussiens. ayant ainsi leur centre enfoncé, tandis qu’au même moment leur droite était tournée au delà de Saint-Amand par la division Girard, se mirent en retraite dans plusieurs directions, laissant sur le champ de bataille 40 pièces de canon, six drapeaux, 15.000 morts et un grand nombre de prisonniers. La perte des vainqueurs, qui n’avaient pas engagé plus de 60.000 hommes de s’éleva pas à plus de 8.000 morts ou blessés. — Le feld-maréchal Blücher, renversé de son cheval, se trouva longtemps au milieu des cuirassiers français qui ne firent point attention à lui ; il profita de la nuit pour s’échapper et rejoindre ses troupes qui déjà le croyaient mort ou prisonnier.

La bataille de Ligny fut un succès malheureux, puisqu’il n’avança rien ; il eût été immense si le maréchal Ney avait atteint le but qui lui avait été indiqué. Encore une fois, le but de Napoléon, but qu’il n’atteignit pas par la faute du maréchal, était de séparer l’armée prussienne de l’armée anglaise. S’il y a eu, en 1815, quelque possibilité de battre les coalisés, de leur faire éprouver un des échecs qui amènent de grands résultats, c’était sans doute dans la journée du 16, et particulièrement à la gauche de l’armée. — Le maréchal Ney fut, dans la campagne de 1815, méconnaissable pour tous. Ses adieux et ses serments à Louis XVIII, son affaire de Lons-le-Saulnier, son retour à Napoléon, dont il avait en 1814 pressé l’abdication, tous ces souvenirs bouleversaient son âme. Le maréchal n’avait pas le cœur d’un traître, mais peut-être ses facultés avaient éprouvé un notable affaiblissement par suite des souffrances de la campagne de Russie. C’est de bonne foi qu’il avait promis à Louis XVIII de combattre Napoléon, puis il s’était trouvé trop faible pour résister à l’appel de celui auquel il devait sa fortune, de celui sous les yeux duquel il avait acquis tant de gloire, dont il avait partagé les grands travaux. Il s’est rencontré des juges pour condamner le maréchal Ney, coupable, sans doute, mais protégé par la capitulation de Paris. C’est une tache pour la pairie française, c’est une tache pour la mémoire de Louis XVIII d’avoir laissé répandre le sang d’un homme qui en avait tant versé pour la patrie. — La conduite de Ney à Lons-le-Saulnier avait été ouvertement blâmée par ses anciens camarades ; sa présence à l’armée avait été vue avec peine ; il sentait toute la difficulté de sa position, et cet homme, dont le coup d’œil avait été jusque-là si prompt et si sûr, dont l’action avait été si rapide, se montra, dans cette grande circonstance du 16 juin, incertain et faible. Son inaction compromit tout : ce que voulait Napoléon, c’était rendre une bataille générale impossible. Ney rendit inévitable la bataille de Waterloo, en forçant l’Empereur à négliger la poursuite de l’armée prussienne, pour venir faire tête à l’armée anglaise. — Stimulé par les ordres réitérés de Napoléon, qui avait renforcé le corps de Ney du corps de réserve des cuirassiers, commandé par Kellermann, le maréchal sentit toute l’importance de sa position et le tort qu’il avait eu de ne pas s’en emparer à temps ; aussi il tenta les plus grands efforts pour y parvenir, mais ce fut en vain. — La division du prince Jérôme et celle du général Foy étaient vivement engagées sans résultat, lorsque le colonel Forbin-