Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/104

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Je la disais : pas jolie, et pourtant je ne voudrais pas que vous la crussiez laide. J’espère même que vous la trouverez belle, quand j’aurai l’occasion de vous la montrer éclatant d’indignation parce qu’on a méconnu « le génie de son Max », ou rayonnant de joie à l’inspiration d’une pensée tendant au bien-être de son enfant. Combien de fois déjà a-t-on répété que le visage est le miroir de l’âme ! Eh bien ! Elle avait l’âme belle. Aveugle, qui n’aurait pas trouvé beaux les traits où se reflétait son âme !

Havelaar paraissait un homme de trente-cinq ans. Élancé et leste, il n’y avait, dans son extérieur, rien d’extraordinaire, à l’exception de sa lèvre supérieure mobile et très mince, et de ses grands yeux bleus qui, au repos, semblaient endormis, mais qui jetaient feu et flammes sous l’empire d’une grande idée. Ses cheveux blonds tombaient tout droit le long de ses tempes. Je comprends parfaitement qu’en le voyant pour la première fois, l’idée ne vous vint pas que vous aviez devant vous quelqu’un ; quelqu’un, qui, par le cœur et la tête était exceptionnellement doué. C’était un vase plein de contrastes. Mordant comme une lime, et doux comme une polissoire, il sentait toujours le premier la blessure qu’infligeaient ses paroles amères, et il en souffrait plus que le blessé lui-même. D’un esprit prompt, il saisissait de prime-saut la pensée la plus sublime, la théorie la plus compliquée. Il se faisait un jeu de résoudre les problêmes les plus difficiles ; il y sacrifiait temps, peines, études, et, à côté de cela, souvent il lui arrivait de ne pas comprendre la chose la plus simple, qu’un enfant eût pu lui expliquer. Rempli d’amour pour la vérité et la justice, on le vit maintes fois négliger ses premiers et plus proches devoirs afin