Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/142

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Chefs de Lebac, je vous demande pourquoi tant de ces malheureux ne seront pas enterrés là où ils ont pris naissance ? Pourquoi l’arbre se dit-il si souvent : où est donc l’homme que j’ai vu jouer à mes pieds, quand il était tout enfant ? »

Ici Havelaar fit une pause.

Pour comprendre tant soit peu l’influence qu’avait sa parole, il aurait fallu l’entendre et le voir. Lorsqu’il parlait de son enfant, il y avait dans sa voix quelque chose de doux, quelque chose de touchant, mais de touchant à un degré inconcevable, qui vous poussait à demander : Où est-il le petit Max ? Je veux embrasser l’enfant, qui fait parler ainsi son père ! » mais lorsqu’un instant après, d’un bond il passa aux demandes : » pourquoi Lebac était il pauvre, et pourquoi tant d’habitants de ces contrées-là s’en allaient-ils ailleurs ? » il y avait dans le son de sa voix quelque chose qui faisait penser au bruit fait par une vielle, quand elle est tournée avec force, par une main vigoureuse. Et il ne parlait pourtant pas haut, il n’accentuait particulièrement que quelques mots ; et sa voix avait même quelque chose de monotone ; mais, que ce soit étude ou nature, précisément par cette monotonie il augmentait l’influence de ses paroles, sur des cœurs si parfaitement disposés, à un pareil langage.

Ses images toujours prises dans la vie, autour de lui, étaient de véritables auxiliaires pour faire comprendre exactement ce qu’il avait en vue ; et ce n’étaient pas, comme il arrive souvent, des appendices gênants, qui incommodent les phrases de l’orateur, sans ajouter la moindre clarté à la connaissance de la cause, que l’on croit éclaircir. Aujourd’hui, nous sommes habitués à l’absurdité de l’expression