Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/155

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district — et il n’est pas le seul ! — agit sans vergogne. Il se fait bien venir du Prince-Régent, en extorquant le peu d’argent et de biens qui appartient à la population indigente, et en arrachant les cultivateurs à leurs propres champs de riz pour les faire travailler à ceux du Prince-Régent. Et ce dernier… écoutez, je ne demande pas mieux de croire qu’il voudrait bien que tout cela ne fût pas, mais le besoin le pousse à employer de semblables moyens, d’aussi honteux expédiens. N’est-ce-pas l’exacte vérité, Dipanon ?

— Hélas ! oui, fit Dipanon qui commençait à s’apercevoir de la perspicacité de Havelaar.

— J’étais certain, continua ce dernier, qu’il n’avait plus d’argent dans son palais. Ce matin, vous l’avez entendu. Mon intention est de faire mon devoir. Je ne tolérerai pas l’injustice ! Non ! devant Dieu je ne la tolérerai pas !

Et d’un bond, il se leva ; il faut le reconnaître sa voix ne ressemblait en rien à la voix qui venait de prononcer le discours adressé aux chefs de Lebac, à propos du serment officiel.

— Mais, reprit-il, je ferai mon devoir avec douceur. Je ne tiens pas à connaître tout ce qui a eu lieu, par le passé. C’est ce qui aura lieu, dès aujourd’hui, ce qui sera sous ma responsabilité, que je veux savoir. J’y veillerai, moi ! J’espère rester long-temps ici. Savez-vous bien, Dipanon, que notre mission est sublime ! Mais, savez-vous bien aussi, que tout ce que je viens de vous dire, j’aurais dû l’apprendre de votre propre bouche. Néanmoins, rassurez-vous, je sais qui vous êtes, mon ami, comme je sais, qu’on fait du sel de contrebande, dans le Sud. Vous, vous êtes un honnête homme. J’en suis sûr ? Mais pourquoi ne pas m’avoir averti qu’il y avait tant de per-