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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/17

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„ Qu’il meure ” rime avec : „ C’est une heure. ” Soit, c’est parfait : si réellement il faut qu’il meure et si c’est une heure qui sonne. Mais, s’il n’est que midi et demi, moi qui n’aligne pas mes mots, je dirai : Qu’il meure, et, Il est midi et demi.

Le rimeur, lui, est obligé par le : meure du premier vers, à nous donner une heure entière, et il faut qu’une heure sonne, pour qu’il meure. Le malheureux est forcé de tricher. Il faut donc que l’heure du supplice ou l’arrêt de mort soit changé. De toutes façons, il ment.

Et ce ne sont pas seulement les vers qui poussent les jeunes gens au mensonge. Entrez au théâtre, et prenez la peine d’écouter les balivernes qu’on vous débite. Le héros de la pièce tombe à l’eau, un homme sur le point de faire faillite l’en retire, le noyé donne la moitié de sa fortune à son sauveteur. C’est faux, archifaux ! Dernièrement, mon chapeau alla tomber dans le Canal des Princes, — Frédéric dit : s’en alla, — je donnai quatre sous au gamin qui me le rapporta, et il me fit toute sorte de remerciements.

J’aurais certainement donné un peu plus, s’il m’avait tiré de l’eau moi-même, mais à coup sûr, je ne lui eusse pas donné la moitié de ma fortune. À ce compte-là, il ne faudrait pas tomber plus de deux fois à l’eau, pour être complètement ruiné.

Le pis de ces représentations théâtrales, c’est que le public s’identifie tellement à l’action et aux personnages, qu’il les applaudit. J’aurais beaucoup donné pour jeter tout le parterre dans une mare ou dans un lac ; au moins je serais arrivé à savoir à quoi m’en tenir sur la sincérité de ses bravos ! — Frédéric dirait : bravi.