Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/200

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Pour le coup, ses hôtes n’avaient jamais, au grand jamais, entendu parler de ce genre de prétention là ! Il continua :

— J’ai connu à Sumatra une jeune fille, l’enfant d’un chef de tribu… Eh bien, à mon sens, elle n’avait pas le droit de prétendre à cette imperfection. Je l’ai vue tomber à l’eau, dans un naufrage.. Étant aussi humain que n’importe qui, j’ai fait mon possible pour l’en retirer, et pour la ramener à terre.

— Ah ! ça ! fallait-il donc qu’elle volât, comme une mouette !

— Certes, oui… non… Ce n’est pas ce que je veux dire !.. Enfin, elle n’aurait pas dû avoir un corps, comme vous et moi ! Voulez-vous que je vous raconte comment j’ai fait sa connaissance ? C’était en 1842 ; j’étais contrôleur, à Natal. Êtes-vous allé par là, Dipanon ?

— Oui.

— Vous savez alors, mon cher, que dans la contrée de Natal on cultive le poivre. Les plantations de poivriers se trouvent à Taloh-Baleh, au nord de Natal, sur les bords de la mer. Je devais les inspecter, et comme je ne me connaissais pas en poivre, je pris, dans ma pirogue, un chef de tribu, fort expert en ce genre de denrées. Sa fille, une enfant de treize ans, nous accompagnait. Nous faisions voile le long des côtes.. et c’était ennuyeux, oh ! mais ennuyeux au possible !

— Et c’est alors que vous avez fait naufrage !

— Mais non ; il faisait beau.. trop beau ! Le naufrage en question n’eut lieu que beaucoup plus tard… autrement, je ne me serais pas ennuyé. Ainsi, nous faisions voile le long des côtes, et la chaleur était étouffante. Une promenade comme celle