Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/249

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En effet, là où l’auteur, qui traite une situation européenne, peut supposer beaucoup de détails connus, le dramaturge, qui fait passer son action dans les Indes, doit sans cesse se demander si le lecteur ou le spectateur non-Indien, entrera en plein dans son sujet, et en saisira toutes les nuances.

Quand le lecteur européen se figure madame Sloterin, logée chez les Havelaar, ainsi que cela se pratique en Europe, il lui paraît incompréhensible qu’elle ne fasse pas partie de leur société, qu’elle ne soit pas assise au milieu des personnes qui prennent le café dans la première galerie.

J’ai dit, il est vrai, qu’elle habitait un pavillon séparé ; mais, pour se rendre bien compte de tout ce qui va se passer, pour comprendre les événements qui auront lieu plus tard, il est absolument nécessaire que je donne le plan complet de la maison de Havelaar, et de son esplanade.

Le reproche, tant de fois adressé au grand maître qui écrivit Waverley, le reproche d’abuser souvent de la patience de ses lecteurs, en consacrant trop de pages à la description des lieux où se mouvaient les héros de ses narrations, ce reproche me paraît sans fondement ; et je crois que pour priser la justesse d’une pareille observation, on n’a qu’à se demander simplement : cette description est-elle nécessaire pour que le lecteur saisisse bien l’impression que l’auteur veut lui faire éprouver ?

Si oui, de quel droit lui en veut-on ? Il prétend que vous vous donniez la peine de lire ce qu’il s’est donné la peine d’écrire.

Si non, jetez le livre au panier.

L’écrivain, dont la tête creuse vous donne de la topographie au lieu d’idées, ne vaut pas la peine