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d’un épicier qui assortissait un petit lot de Java, ordinaire, beau-jaune, qualité Chéribon, cassé, avec balayures, ce qui m’intéressait énormément, étant observateur de naissance. Voilà que la figure d’un monsieur, debout devant une librairie voisine, figure qui ne m’était pas inconnue, me donne dans l’œil. Évidemment, lui et moi, nous cherchions à nous reconnaître, nos regards ne cessant pas de s’entre-croiser. J’étais, je l’avoue, trop absorbé par mes balayures pour m’apercevoir qu’il était très pauvrement vêtu. Autrement, je ne me serais pas occupé de lui. Mais l’idée me vint que c’était peut-être le voyageur d’une maison allemande, cherchant un commissionnaire solide. Il avait en effet, tout l’air d’un allemand et d’un voyageur. Ses cheveux très blonds, ses yeux bleus, sa contenance, et sa mise dénonçaient l’étranger. Au lieu d’un pardessus, une espèce de châle pendait sur son épaule, — Frédéric dit shall, mais ce n’est pas mon avis, — comme s’il sortait d’un wagon. Croyant trouver un client, je lui tendis ma carte : Last et Co, commissionnaires en cafés, Canal des Lauriers, n°. 37.

Il s’approcha d’un bec de gaz, la parcourut du regard et me dit :

— Je vous remercie, mais je me suis trompé… Je pensais avoir le plaisir de retrouver un ancien camarade d’école, mais… Last ? ce n’est pas son nom.

— Pardon, répliquai-je, avec ma politesse ordinaire, je suis monsieur Duchaume, Batave Duchaume… Last et C°, c’est la raison sociale de ma maison de commission, Canal des Lau…

— Mais, Duchaume, ne me reconnaissez-vous pas ? Regardez-moi… regardez-moi bien.