Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/286

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Cela posé, on se demande comment il peut se faire qu’un préfet n’ait pas de profits directs dans la disposition arbitraire d’une population, et quel motif il peut donner pour ne point faire part d’abus aussi monstrueux à son Gouvernement !

Et quiconque réfléchit, doit trouver bien étrange que ce même préfet reconnaisse avec tant de sang-froid l’existence de ces abus exactement comme s’il s’agissait d’une question hors de sa compétence.

J’essaierai de résoudre ce problème.

En général, personne n’aime à se faire le porteur d’une mauvaise nouvelle ; on dirait qu’une partie, une parcelle de l’impression défavorable causée par cette nouvelle désagréable, retombe sur celui qui vient de l’apporter.

C’est déjà une raison pour ne pas avoir l’air de savoir une chose qui peut vous être désagréable ; mais vous comprenez bien qu’on s’y risque encore bien moins, lorsque la défaveur résultant d’un pareil message peut aller jusqu’à vous faire prendre pour la cause du malheur ou du crime que vous annoncez.

Le Gouvernement des Indes hollandaises se plaît à écrire à la mère-patrie que tout marche régulièrement. Les préfets se plaisent à en dire autant au Gouvernement. Les sous-préfets, de leur côté, ne recevant que des rapports favorables de leurs contrôleurs, s’empressent de les communiquer tels quels aux préfets.

Cette filière administrative donne naissance, dans le maniement de la correspondance officielle des affaires, à un optimisme artificiel, en contradiction non seulement avec la vérité, mais encore avec leur propre opinion, à eux, optimistes, dès qu’ils traitent les mêmes affaires, verbalement.