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faut continuer, sans digressions : mon livre devant être achevé avant la vente du printemps.

À vous dire franchement, — je suis bien obligé d’en convenir, moi, l’ami de la vérité, — la rencontre de mon ancien condisciple ne m’était rien moins qu’agréable. Je vis tout de suite que ce n’était pas une relation solide. Il était très pâle, et lorsque je lui demandai l’heure, il ne put me répondre. Ce sont là des symptômes auxquels un homme qui a fréquenté la Bourse une vingtaine d’années, ne se trompe pas. En ai-je vu tomber, de ces maisons !

Croyant qu’il prendrait à droite, j’allais prendre à gauche. Mais, il me suivit, et la conversation s’engagea, bien contre mon gré. Je ne pouvais m’ôter de la cervelle qu’il n’avait pas de montre ; et je m’aperçus en outre que sa petite redingote était boutonnée jusqu’au menton ; — mauvais signe ! — de sorte que, tant que je le pus, je laissai tomber notre entretien. Il me raconta qu’il était allé aux Indes, qu’il s’était marié, qu’il avait des enfants. Je n’avais rien à redire à tout cela, mais je n’y trouvais rien d’intéressant.

Arrivé devant la petite rue de la Chapelle, qu’en temps ordinaire je ne prends jamais, — cette ruelle étant indigne d’un homme comme il faut — je m’arrêtai, faisant mine de la prendre. Je la dépassai même, pour lui faire bien comprendre qu’il n’avait plus qu’à marcher droit devant lui, et je lui dis le plus poliment possible :… il faut être poli avec tout le monde, ne sachant pas si plus tard, on ne doit pas se retrouver :

— Enchanté de vous avoir rencontré, monsieur… mais… mais… je vous demande pardon. Il faut que j’entre là !…