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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/344

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ni ce qu’ont également gagné plusieurs de mes confrères, qui s’occupent aussi de ces affaires-là.

Comme dit le Seigneur ;

» Voilà soixante millions en récompense de votre foi ! »

N’est-ce pas le doigt de Dieu, qui pousse le méchant à travailler dans l’intérêt du juste ?

N’est-ce pas un avertissement d’en haut, pour nous engager à poursuivre dans la bonne voie, c’est à dire à faire produire beaucoup là-bas, tout en restant fermes dans la vraie foi !

Ne nous dit-on pas : priez et travaillez ! pour que nous priions, et que nous laissions travailler ce peuple noir, qui ne connaît ni le Pater, ni le Credo.

Caquet a bien raison quand il dit que le joug du créateur est doux pour la créature !

Comme la charge est légère pour quiconque a la foi !

Je n’ai que la quarantaine, et pourtant je pourrais me retirer des affaires, pour peu que cela me convînt, et je serais libre d’aller à la campagne, d’où je n’aurais plus qu’à regarder les marches et contremarches de tous ceux, qui ne vivent pas dans le Seigneur.

Hier, j’ai vu l’Homme-au-châle, sa femme, et leur petit garçon ; ils avaient l’air de revenants !

Lui, il est pâle comme la mort, les yeux lui sortent des orbites, et il a les joues creuses.

Il est tout courbé, quoique plus jeune que moi.

Sa femme, de son côté, était mise très pauvrement ; elle paraissait avoir encore pleuré.

Elle doit avoir une nature malheureuse et mécontente de tout.

Pour la bien juger, je n’ai besoin de voir une personne qu’une seule fois.

C’est une question d’expérience.