Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/352

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Seulement, Saïdjah, arrivé aux limites du champ, ne pouvait plus vanter aux frères d’Adenda la merveilleuse vigueur de son buffle ; c’est tout au plus, si, en revanche il se croyait en droit de faire valoir sa douceur, et sa bonne volonté.

Quand les sillons n’étaient pas tout à fait droits, quand il restait des mottes de terre en dehors de la charrue, il prenait sa houe, et, tant bien que mal, il remédiait, en cachette, au travail défectueux.

Un jour, Saïdjah essayait vainement de faire avancer son buffle. L’animal ne bougeait pas. Irrité d’une résistance si opiniâtre, et surtout si peu habituelle, l’enfant s’emporta, et ne put pas s’empêcher de lui lancer une grosse injure.

— Marche donc, bâtard ! lui cria-t-il.

Saïdjah parlait innocemment ; il ne faisait que répéter, ce qu’il avait entendu dire à d’autres conducteurs de buffles, mécontents de leurs animaux.

Mais, ce jour là, ses paroles ne servirent à rien. Le buffle refusa d’avancer. Il secouait la tête, comme pour se débarrasser de son joug, haletant péniblement, et tremblant de tous ses membres. La terreur obscurcissait son grand œil bleu, et sa lèvre se retroussait frémissante.

— Fuis, Saïdjah, sauve-toi ! s’écrièrent les frères d’Adenda, un tigre !

Et tous, enlevant aux buffles leurs jougs de labourage, ils grimpèrent sur leurs larges dos, et partirent au galop.

Ils traversèrent ainsi les champs de riz, les madriers, les fossés pleins de boue, les taillis, la forêt, les plaines, et les routes, et ils rentrèrent, hors d’haleine, à Badour.

Mais, Saïdjah ne se trouvait point avec eux,