Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/358

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le premier jour, et même le second, il n’avait pas pris garde à son isolement, rempli, comme il l’était, de ses rêves d’avenir, et de l’idée d’amasser de l’argent en quantité suffisante pour acheter deux buffles… Son père, lui-même, n’en avait jamais possédé qu’un !.. Son esprit était tout au bonheur de revoir un jour Adenda, il ne pensait qu’à elle, et la tristesse de l’adieu ne se fit pas sentir profondément

L’espoir l’avait plongé dans une sorte d’extase ; au moment où il disait adieu à sa bien-aimée, il se voyait de retour sous le grand arbre, et lui criant ; me voici ! c’est moi !

Ce retour était si proche en son cœur, qu’après avoir quitté le village, lorsqu’il passait devant l’arbre du rendez-vous, il se sentit joyeux et triomphant, comme s’il se fut trouvé à la fin de ces fatales trente six lunes qu’il allait lui falloir traverser.

Il lui sembla qu’il n’avait qu’à se retourner, pour que son voyage fût terminé, et pour retrouver Adenda, assise et l’attendant sous leur arbre.

Mais, plus il s’éloignait de Badour, plus il s’aperçut de la longueur mortelle qu’un jour traîne après soi ! Oh ! Qu’il les prévoyait tristes et pénibles ces éternelles trente six lunes, qui se dressaient devant ses yeux. Il y avait quelque chose dans son âme, qui lui faisait ralentir le pas. La tristesse lui faisait trembler les genoux.

Si ce n’était pas là le découragement, qui lui conseillait de revenir sur ses pas, c’était tout au moins l’abattement, qui n’est pas loin du découragement.

Il hésita… Il fut sur le point de ne pas aller plus loin… mais Adenda que dirait-elle de son manque de cœur ?

Il se remit donc en route, mais, plus lentement