Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/368

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Pourtant la lumière se faisait peu à peu autour de lui.

Déjà il entrevoyait le paysage, déjà il parvenait à distinguer les panaches des cocotiers, qui lui signalaient Badour où dormait Adenda… que dis-je ? où elle ne dormait pas… où elle ne dormait plus ! Comment aurait-elle pu dormir ? Ne savait-elle pas que Saïdjah l’attendait !

Elle n’avait pas dormi de toute la nuit ? À coup sûr, les gardes de nuit du village avaient dû frapper à sa porte pour lui demander pourquoi il y avait encore de la lumière chez elle ! Et son aimable sourire avait dû leur faire croire qu’un vœu la tenait éveillée. Sans doute elle avait répondu qu’il lui fallait finir la robe qu’elle était en train de tisser, et qui devait se trouver prête pour le premier jour de la lune nouvelle…

Peut-être encore avait-elle passé la nuit dans l’obscurité, assise sur le bloc à piler le riz, comptant et parcourant d’un doigt avide les trente six entailles, se succédant les unes aux autres sur les flancs du billot.

Qui sait ? peut-être s’était-elle donné l’émotion d’une erreur de compte… elle trouvait une marque de moins… et elle les recomptait toutes de nouveau, afin d’acquérir la bienheureuse certitude qu’il y avait bien trois fois douze lunes complètement écoulées, depuis que Saïdjah l’avait vue pour la dernière fois.

À son compte, elle aussi devait tendre son regard, maintenant que le jour commençait à poindre, elle aussi devait se fatiguer les yeux pour aller, dans la ligne d’horizon, au-devant du soleil, de ce soleil si paresseux qui retardait, retardait !

Mais, voici une ligne d’un rouge bleuâtre, qui vient d’apparaître ; elle s’attache aux nuages dont