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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/376

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Les tempes lui battaient à se rompre ; et son sang, bouillonnant furieusement, menaçait de rompre ses artères.

Pas un mot ne s’échappait de ses lèvres ; son œil terne lançait de tous côtés des regards fixes ; qui ne voyaient, ni ne percevaient aucun objet.

Tout à coup, il partit d’un éclat de rire lugubre et effrayant.

Une vieille femme l’emmena dans sa hutte, et soigna le pauvre fou.

Peu à peu son rire s’adoucit, mais, il restait toujours sans regard, et sans parole.

Seulement, la nuit, il arrivait parfois que les habitants de la hutte étaient réveillés en sursaut par une voix qui murmurait :

» Je ne sais où je mourrai. »

Les habitants de Badour se cotisèrent pour faire un sacrifice aux crocodiles du Tjoudjoung, qui, seul, pouvait leur accorder la guérison de Saidjah, que l’on croyait fou.

Mais Saïdjah n’était pas fou.

Une nuit, que la lune était claire et brillante, il se leva de son grabat, il quitta à pas de tigre la hutte hospitalière, et il s’en alla chercher l’endroit où Adenda avait habité.

Ce n’était pas une tâche facile… il y avait tant d’habitations écroulées ; mais, il se dit qu’il reconnaîtrait la place, à l’écartement de l’angle formé par les rayons de lumière, qui passaient à travers le bouquet d’arbres.

C’est ainsi que le pilote prend sa hauteur sur les phares ou sur les sommets des montagnes.

Oui, là… c’est bien là !

C’est là qu’elle demeurait.