Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/75

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qu’il se figure l’influence des idées pour lesquelles il fallait un tel colosse, comme représentation visible d’un invisible sentiment religieux… et qu’il compare ensuite cette exaltation avec la disposition d’esprit, qui, quelques siècles plus tard, a fait suspendre l’érection de cette œuvre…

Entre Erwin de Steinbach et les architectes de nos jours il y a un abîme ! Je sais qu’on s’occupe depuis des années de le combler. À Cologne aussi on a repris la construction de la cathédrale. Mais, pourra-t-on renouer le fil rompu ? Retrouvera-t-on de nos jours ce qui fit autrefois la puissance de l’évêque, et de l’architecte ? Je ne le pense pas. On peut amasser de l’argent pour acheter des moëllons et de la chaux. On peut payer l’artiste pour lever les plans, et les maçons pour poser les pierres. Mais, on n’achète pas, avec de l’argent, le sentiment respectable, quoique erroné, qui, dans cette construction colossale, posa les bases d’un sublime poème en granit, imposant, immobile, immortel, incarnation de la foi, statue de la prière, dominant tout un peuple.

Donc, certain matin, un mouvement inaccoutumé se produisait sur les limites des sous-résidences, ou sous-préfectures, de Lebac, et de Pandeglang. Des centaines de chevaux sellés couvraient la route, et un millier d’hommes — ce qui était beaucoup pour la localité — allaient et venaient dans une attente active. À voir les chefs des villages et des districts de Lebac, accompagnés de leur suite, et le beau cheval demi-arabe, richement caparaçonné, qui rongeait un mors d’argent, on devinait la présence d’un chef supérieur, qui n’était rien moins que le Prince-Régent de Lebac. Ce grand personnage avait quitté, suivi d’une nombreuse escorte, sa résidence de Rangkas-Betoeng, et avait