Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/86

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de riz ; bien que de fréquentes famines soient la conséquence de ces mesures cruelles, on voit flotter gaiement à Batavia, à Samarang, à Sourabaya, à Passarouan, à Bezoukie, à Probolingo, à Patjitan, à Tjilatjap les pavillons à bord des navires chargés des moissons qui vont enrichir la Hollande.

La famine ?… La famine à Java la riche, la fertile, la prospère ? Oui, il y a peu d’années, lecteur, où des districts entiers ne succombent pas de misère et de faim. Des mères ont offert leurs enfants en échange d’un peu de nourriture ; des mères ont dévoré leurs enfants…

Mais alors la Mère-patrie a jeté un cri d’alarme. Le mécontentement s’est fait sentir au sein de la représentation nationale, et le Gouverneur-général a dû ordonner que la culture des soi-disant produits des marchés européens, ne serait désormais plus étendue jusqu’à condamner la population à la famine…

C’est alors, c’est là que mon cœur s’est aigri ! Que penser d’un homme qui pourrait écrire de pareilles choses, sans amertume ?

Il me reste à parler de la dernière et principale catégorie de revenus des chefs indigènes : la disposition arbitraire des personnes et des propriétés de leurs subordonnés.

Suivant l’opinion qui règne dans presque toute l’Asie, le sujet et tout ce qu’il possède appartient au Souverain. Les descendants ou la famille des anciens monarques abusent volontiers de l’ignorance de la population, qui ne comprend guère qu’un Prince-Régent ne soit qu’un fonctionnaire salarié, qu’il ait vendu ses propres droits et les siens à elle pour un revenu fixe, enfin que le travail, mal rétribué dans les plantations de sucre et de café, ait remplacé les