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TÄSHHORN

infranchissable. Nos chefs se consultent encore, et, après une courte halte, ils nous conduisent sur la face du Glacier de Kien, où une bonne pente de neige semble nous apporter un moyen facile, sinon très expéditif, de tourner l’obstacle.

La neige étant en bon état nous gagnons du terrain rapidement ; pourtant, à mesure que nous avançons, le piolet touche parfois la glace en dessous et l’épaisseur de la neige finit par diminuer jusqu’à n’avoir plus que deux centimètres, même moins. Et chaque marche devait être entaillée dans une dure glace noire. Pensant que la place de guide-chef ne doit pas être plus longtemps confiée à un amateur, le prudent Alexandre se détache, et, taillant quelques marches en dessous de moi, il se dirige sur le front de la caravane et là se met à cribler de coups puissants l’impitoyable pente. Il est désirable pour nous d’aller aussi vite que possible, car les rochers situés au dessus envoient constamment sur nos traces leurs pierres et glaçons superflus ; nous craignons à tout moment que de plus gros projectiles ne suivent et ne nous balayent avec eux, dans leur fuite affolée faite de sauts et de bonds, jusqu’à la gigantesque crevasse bleue, loin, très loin là bas. Mais la glace était dure et Burgener était gêné par sa blessure à la main. Nous semblions ramper lentement le long de la pente. Quand nous atteignîmes le rocher, nous ne trouvâmes que des dalles lisses verglassées. Nous avancions d’une marche pénible et lasse. Nos mains et nos pieds avaient depuis longtemps perdu toute sensation et la seule espérance qui soutenait notre esprit déprimé était la croyance que, en passant une nervure de rocher non loin devant nous, nos difficultés seraient alors finies et l’ascension pratiquement terminée. Nous atteignîmes au bout de quelque temps