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Page:Mummery - Mes escalades dans les Alpes.djvu/117

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LA TEUFELSGRAT

cette nervure ; derrière elle la neige était visiblement plus épaisse, et, aussi loin que nous pouvions voir, il n’y avait plus rien devant nous qui pût nous causer le moindre ennui. À juger par le temps que nous avions déjà dépensé pour l’ascension et par les difficultés que nous avions surmontées, j’en vins à la conclusion que le sommet serait bientôt vaincu. Mon mari se mit de nouveau à la tête, et, Burgener ayant repris sa place dans la cordée, la traversée continua.

« Oh ! vains espoirs et conclusions légères ! » L’épreuve la plus cruelle était encore à venir. Neige, rocs et glace venaient de nous étonner par la nature de leurs défenses ; en addition à tout cela, nous étions maintenant handicapés par l’heure tardive (1 h. 30 soir), par un brouillard imminent, et, pis que tout, par la fatigue, le froid et la faim.

La neige recommence à devenir peu épaisse, laissant seulement une forte couche de glace. La tailler au piolet nous aurait pris des jours. Il devient clair que nous n’avons plus qu’à regagner une fois de plus l’arête. Burgener est d’avis que nous avons passé les tours et les clochers les plus difficiles, et que, si nous parvenons à atteindre la crête, nous y trouverons une route sûre et pas trop ennuyeuse. Il indique donc à notre chef de prendre droit à la pente, dans la direction de grandes dalles rocheuses, protubérant en dehors de la glace. Ces dalles pourtant deviennent bientôt trop abruptes et par trop lisses, et nous sommes réduits, comme dernière chance, à entailler un hideux couloir de glace qui flanque les rochers. Par places la neige couvre la glace, et le couloir incliné et étroit ne peut nous offrir que des marches plus ou moins traîtresses. Une recommandation de Burgener revenait constamment : « Prenez où la neige est la plus épaisse. » Mais la neige bientôt