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AVEC GUIDES

mettons tous à faire des essais variés, le portant dans des fissures que trouvait notre fantaisie et entreprenant même de l’étayer avec d’ingénieux arrangements de petites pierres. Quelqu’un souleva la question de savoir si l’usage des coins n’était pas une hérésie, une sorte de génuflexion devant Baal, et s’il n’était point le premier pas sur le sentier de perdition où l’art de grimper allait se diriger pour aboutir à une course au câble. Sur quoi nous déclarons à l’unanimité que les Charmoz ne seront profanés par aucun engin fixe ; nous trouvons une protubérance rocheuse plus ou moins sûre, nous l’entourons en doublant notre corde et Venetz se laisse glisser en bas. Je suis, et, pour prévenir autant que possible les chances de glissement de la corde autour de la protubérance, elle est contournée plusieurs fois autour, et nous en tenons les bouts tendus quand Burgener descend.

Vers 2 h. 20 soir, nous retrouvons nos bottes ; et la pensée de la table d’hôte vient remplacer des idées d’un ordre plus poétique. Nous dégringolons les rochers, puis nous parcourons le glacier à une allure qui, nous l’apprîmes plus tard, causa un très grand étonnement à divers amis placés à l’autre bout du télescope de M. Couttet. Plus nous allions et plus vite nous courions, car les séracs, qui, le matin, nous menaçaient désagréablement, maintenant se penchaient tellement sur nos têtes que les « Schnell, nur schnr » « Vite, allons vite, » de Burgener faillirent en détacher un. Suivant leur habitude les séracs restèrent penchés et chancelants, mais ne tombèrent pas, et nous arrivâmes au glacier inférieur tout essoufflés, sans la moindre alerte. Comme nous avons atteint les parages de la lanterne, nous nous mettons à sa recherche, mais ne la trouvons point ; nous faisons de même pour un chalet que Burgener connaissait.