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L’AIGUILLE VERTE

Pendant l’après-midi du 29 juillet, je pars pour le Montenvers, et à 11 h. soir, la même nuit, nous prenons cordes et provisions et partons par le Passage des Ponts. Nous perdons pas mal de temps à cajoler notre lanterne qui se refuse à brûler proprement, et finalement nous allons nous empêtrer dans le réseau irritant des crevasses, qui découpe le bord oriental de la Mer de Glace. Nous montons alors au dessous du Glacier de la Charpoua à travers les mauvaises pierres de sa moraine latérale. Arrivé là, Venetz se sent obligé de confesser qu’il est mal en point. Je prends son sac et il lutte encore pendant une demi-heure. Il devenait parfaitement certain qu’il ne pourrait pas faire l’ascension, et il était par conséquent tout à fait inutile de le laisser remonter ces atroces pentes de pierrailles que nous ascensionnions. Nous tenons un conseil de guerre, et Venetz est soumis à une enquête sur la nature, la source et l’extension de sa maladie ; comme celle-ci paraît se limiter à un violent mal de tête et à une mauvaise digestion, nous décidons qu’on peut sans crainte le laisser là pour qu’il retourne à la maison dès le jour venu.

Burgener avait un doute dans l’esprit : il ne pensait pas que nous fussions assez forts pour faire l’ascension par nous-mêmes ; de plus il croyait qu’il nous serait impossible de revenir par le même chemin et que nous serions obligés de descendre par la route Whymper, et malheureusement aucun de nous deux ne la connaissait exactement, bien que nous sussions en bloc qu’un grand couloir conduisait au Glacier de Talèfre[1]. L’un de nous deux suggéra

  1. M. Ed. Whymper avait fait, en compagnie de Christian Almer et de Franz Biener, le 29 juin 1865, la première ascension de l’Aiguille Verte, en passant par le grand couloir qui du Glacier de Talèfre monte à l’Est du sommet. La route avait été prise depuis et trouvée difficile et dangereuse, mais était restée la route usuelle ; voy. Alpine Journal, 11, p. 131-32 et Escalades, p. 357-60. Quelques jours après, le 5 juillet 1865, MM. T. S. Kennedy,