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L’AIGUILLE VERTE

nervure qui les sépare. Autant que nous pouvons le voir, aucune difficulté sérieuse ne paraît devoir être rencontrée, bien que, tous les rochers supérieurs et toute l’arête se trouvant encore obstinément cachés par le brouillard, nous ne puissions pas en être absolument certains. Nous traversons la rimaye, et, après une courte lutte avec quelques débris congelés, nous pouvons nous loger sur la muraille à 6 h. 45 mat.

Nous décidons alors à l’unanimité que le temps n’est pas trop mauvais et que nous sommes aussi sûrs d’arriver au sommet que si nous y étions déjà : « Ce pourquoi, » disons-nous « mangeons, fumons, et réjouissons-nous. » Une demi-heure plus tard tous ces devoirs dûment accomplis, nous commençons à escalader les dalles, chacun prenant la direction particulière qui lui plaît. Pendant ce temps les nuages nous enserrent encore une fois. Les falaises au dessus, vues à travers les vapeurs se ruant sur elles, paraissent encore plus grandes et plus précipitueuses, en sorte que, pour éviter la possibilité d’être coupés par quelque insurmontable ressaut, nous travaillons sur la droite dans le couloir. Nous pouvons de temps en temps nous servir, comme d’une échelle, des rochers qui sont sur notre droite et éviter ainsi le travail de la taille des marches, mais plus haut les dalles deviennent trop larges et trop lisses et nous sommes forcés d’avancer à l’aide du piolet seul. Nous sommes bientôt fatigués de cet exercice et retournons à notre nervure ; nous nous apercevons alors que sa mauvaise apparence est trompeuse, et que, en fait, c’est un escalier parfait. En atteignant le voisinage immédiat de l’arête, nous marchons sur notre droite à travers des pentes faciles, traversant ensuite la tête du couloir et allant vers le sommet du grand promontoire.

Je prends cette direction dans la crainte de gaspiller