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PAR L’ARÊTE DU MOINE

différemment de précieuses forces en escaladant le sommet du Pain de Sucre ; en l’état, dans ce brouillard intense, il nous est impossible de dire au juste où se trouve ce clocheton. Collie, il est vrai, est tout à fait sûr que nous sommes sur sa face qui regarde la Verte ; mais, le scepticisme de l’expérience ayant patiné mon esprit, je tourne à droite. Juste comme nous escaladons la crête du contrefort, une bouffée de vent balaye de tout nuage l’arête, et nous faisons halte cinq minutes pour inspecter la montagne sur notre gauche ; une courte ascension en diagonale nous fait aborder l’arête principale à 8 h. 20 mat. ; de là nous pouvons regarder, au dessous, le Glacier de la Charpoua et, au delà, la grande face Sud-Ouest de notre pic. Par une faiblesse, qui n’est peut-être pas très rare chez les grimpeurs, je montre avec orgueil à nos compagnons les divers rochers ou couloirs, les diverses pentes en glace ou en dalles par lesquelles Burgener et moi avons frayé notre route au sommet, treize ans auparavant.

Une invasion de nuages, apportant dans ses flancs plus qu’un soupçon de neige, nous chasse de nos sièges et nous grimpons gaiement le long de l’arête. Plus loin pourtant des tours dentelées commencent à nous susciter quelques difficultés. Au contour de l’une d’elles sur le côté du Talèfre nous sommes surpris de trouver une bouteille brisée. Bientôt après nous découvrons les restes d’un bâton cassé pris dans une fissure du roc et rendu immuable par une masse de glace congelée tout autour. Sa tournure antique nous conduit à supposer qu’il marque la limite d’exploration de quelque ancienne caravane et qu’il date du temps où l’Aiguille Verte était encore un pic vierge.

Presqu’immédiatement après, le travail devient plus sérieux. J’essaye un mouvement tournant sur la gauche,