Page:Mummery - Mes escalades dans les Alpes.djvu/317

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
237
LE DYCH TAU

vers une trace noire, située contre une falaise abrupte et qui définit la place où il allume son feu, dans les rares occasions où il a du bois pour l’allumer. Pour le moment présent, nous explique-t-il, il n’en a pas du tout. Quant à d’autres soupçons d’habitation ou d’abri, il n’y en a pas le moins du monde. Notre petite tente, qui formait une partie du bagage du Tartare, avait disparu et le Tartare lui-même s’était évanoui dans l’espace. Zurfluh était tout disposé à penser qu’une crevasse devait être son dernier lieu de repos, mais l’expérience que j’avais de son habileté me faisait facilement croire qu’il n’avait pas choisi cette méthode toute particulière de rejoindre les houris dans le Paradis. La bruine se répandait partout ; le côté abrité des rochers était aussi mouillé que le côté du vent ; peu à peu nous en vînmes à cet état d’humidité générale qui déprime même les caractères les plus gais. Nous avions, en outre, pour notre dîner, jeté notre dévolu sur un ou deux moutons que nous voyions rôder autour de nous ; mais la conversion d’un bétail vivant en un mouton cuit est une opération plutôt difficile en l’absence de feu. Nous regrettâmes amèrement le Misses Kosh où une tente en toile de Willesden[1] et un bon fagot de bois étaient pliés en sécurité dans la cave. Je proposai même de traverser ; Zurfluh refusa absolument d’avoir rien à faire avec les séracs tant que le brouillard tiendrait. Mais voici qu’une heure plus tard notre deuil se change en joie, car nous apercevons les larges épaules du chasseur, qui, enseveli sous une pile de bois, remonte péniblement les pentes herbeuses. En apprenant qu’il n’y avait pas de bois, il avait, paraît-il, caché ses bagages dans un trou bien sec, sous une pierre, et traversé jusqu’au Misses Kosh pour y chercher nos approvisionnements.

  1. Voyez la note de la page 253. — M. P.