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LE DYCH TAU

j’aurais juré devant une cour plénière — et j’eusse été heureux de le faire, assuré qu’une cour plénière serait comme toutes les cours plénières, sur un terrain horizontal — j’aurais juré que la falaise en face était absolument perpendiculaire. Je ne fus pas plutôt attaché à la corde que la falaise se rabaissa jusqu’à ne pas excéder plus de quelques 66 grades d’inclinaison !

Nous pouvons maintenant contourner le coin rectangulaire du pic sur la face faisant le front du petit sommet, et nous apercevons au delà les falaises, balayées par les glaces, du Koshtantau. La coupure entre les deux sommets de notre pic se trouve déjà assez en dessous de nous — et nous voici même presque de niveau avec le sommet inférieur. J’avais toujours eu des doutes au sujet de cette partie de l’ascension ; c’est donc avec une vraie joie que j’aperçois une longue fente le long de laquelle nous pourrons presque certainement forcer notre route : cette fente accidentelle mise à part, je ne suis pas sûr que cette muraille puisse être ascensionnée. En appuyant d’un côté nos épaules et notre dos, nos genoux de l’autre, nous parvenons vite au dessus. Le pic inférieur s’abaisse rapidement, et l’apparition, au-dessus de sa crête, des neiges lointaines est saluée avec des cris de triomphe. Zurfluh plonge alors au fond d’un trou noir, derrière une pierre qui s’est fichée dans notre étroit passage, et c’est avec des contorsions et des efforts désespérés qu’il parvient à passer son corps à travers l’étroite ouverture. Il nous faut maintenant pendant un ou deux mètres quitter la fente et escalader une grande dalle sur le côté. Nous revenons encore à notre fissure, et ainsi de suite, jusqu’à ce que nous émergions sur l’arête. Sur l’arête, dis-je ? Non pas : sur le sommet lui-même. Tous les pics européens, l’Elbruz seul excepté, sont au dessous de nous ; et de la