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LE COL DE LEKSUR

est exposé à perdre de vue le sentier du devoir et à s’abandonner paresseusement sur le gazon à regarder les petites taches de soleil dansant dans le feuillage.

Mais voilà que mon enthousiasme m’éloigne du récit que je faisais. Tôt dans l’après-midi nous disons adieu à notre hôte, et nous remontons une vallée latérale, tout en nous promenant à travers des pentes bien boisées. À 4 h. soir environ, nous atteignons une clairière de gazon entourée de beaux arbres et coupée de ruisselets jaseurs. C’est un idéal terrain de campement, et Zurfluh et moi avons la même idée : notre travail d’aujourd’hui est terminé. De grandes fougères nous serviront d’excellent matelas et des arbres tombés vont nous faire un feu magnifique. Mais les porteurs Suanétiens protestent. La vraie place pour camper, disent-ils, se trouve une heure plus haut. Je suis le sentier pendant quelques mètres et j’arrive dans un grand alpage ouvert. Le long des pentes rapides de la gorge on voit le sentier serpenter au dessus de nous à travers une région gazonnée, dont aucun arbuste, aucun arbre ne vient interrompre la ligne. Auprès de cela les délices du camp inférieur étaient irrésistibles ; je retourne donc à notre clairière abritée. Les Suanétiens protestent encore ; évidemment ils pensent que puisqu’ils ne sont pas allés jusqu’au gîte ordinaire une part correspondante de leur paye leur sera déduite. Dès qu’ils ont appris que ce n’est pas le cas, ils tirent leurs longs couteaux et coupent les fougères pour nous en faire un lit. Ils allument alors un énorme feu et ramassent une telle provision de bûches et de branchages qu’elle eût suffi tout l’hiver à un Suisse économe.

Ensuite ils préparent le poulet ; ils coupent longitudinalement le sternum et, ouvrant la bête de manière à l’aplatir complètement, ils l’empalent sur une longue