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QUELQUES COLS CAUCASIENS

broche de bois pour le mettre à cuire. Comme nos provisions sont abondantes nous invitons à dîner les Suanétiens. Accroupis autour du feu nous passons là un bon moment à examiner curieusement en vrais Caucasiens les armes de chacun. À leur départ, la physionomie des Suanétiens s’illumina devant un « schönes Trinkgeld » « un bon pourboire », et après un dernier cri d’adieu nous les vîmes disparaître silencieusement dans la forêt.

Zurfluh et le Tartare, se trouvant d’accord que le poulet est une nourriture vaine et frivole à mettre dans les sacs, veulent en conséquence consommer la fin de la provision. Le reste de ces volatiles est donc préparé et pareillement mis à la broche. Pendant ce temps le feu est devenu une vaste fournaise, mieux faite pour les exercices bibliques et pédestres de Shadrach, Meshach et Abednego que pour rôtir un diminutif de poulet. Une charge furieuse à coups de piolets nous suffit à éteindre les racines de bois mort et autres combustibles que le feu est en train de gagner, et à le réduire de telle sorte que la forêt elle-même ne soit plus en danger. Nous dressons la tente et nous nous sentons alors prêts pour notre dîner supplémentaire.

Quand nous nous replions pour aller dormir, nous trouvons nos quartiers tellement luxueux qu’il nous vient presque à l’esprit de livrer assaut le lendemain à un petit pic rocheux situé à la tête de la vallée, pour avoir l’excuse de passer une seconde nuit dans la plus exquise des clairières. Mais le sommeil nous prit avant que ces idées ne se fussent cristallisées en une résolution solide, et le lendemain matin nous étions trop endormis pour faire autre chose que de suivre notre plan original.

Nous partons avant l’arrivée du jour, et laissant derrière nous la forêt, nous marchons à grands pas sur les