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LE COL DE LEKSUR

tement sectionnée en feuillets séparés par un réseau d’écume glacée. Ces crevasses parurent si déplaisantes à Zurtluh qu’il partit seul, dans le but d’examiner la falaise exposée aux menaces d’avalanche. Le Tartare, le croyant évidemment ignorant du danger qu’il courait, l’en avertit de ses cris les plus aigus, appelant alternativement Allah et Shaitan à témoin de la vérité de ses affirmations. Mais Zurfluh n’alla pas très loin. La muraille de la falaise était trop longue pour un coup de collier, même si elle n’avait pas été impraticablement lisse et à pic. Nous fûmes forcés de revenir à la glace, et après quelques performances sensationnelles ressemblant fort aux exercices de la corde raide et du saut en longueur nous atteignîmes le plateau du glacier. Je suis forcé de reconnaître que durant ce passage le sectateur du Prophète se comporta avec une liberté, une assurance, une facilité, une perfection d’équilibre et un absolu mépris du danger que les Incroyants ne sauraient prétendre égaler.

Nos difficultés sont finies, et à peu de distance plus bas nous voyons, tout à fait dans le lointain, sans doute possible, des vaches broutant les pentes en dessus du glacier. Zurfluh se met tout de suite à courir, en nous faisant remarquer que ces vaches sont évidemment déjà au retour de la pâture et par conséquent sur le point d être traites, et que si nous n’arrivons pas à temps pour interrompre cet exercice nous trouverons déjà tout le lait tourné à l’aigre. À 6 h. 30 soir, notre marche frénétique est récompensée et nous atteignons les chalets pendant que la traite se fait. Nous arrivons à nous procurer dans notre seau de caoutchouc six litres d’un lait délicieux. Les récipients dont usent les naturels sont toujours aigris, et gâtent immédiatement, d’après Zurfluh, tout lait qui les touche. Il est inutile de faire remarquer que traire une