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DE L’ALPINISME

et l’aveugle, et à reconnaître comme faux l’idéal grec de la perfection humaine. On peut trouver sans doute pareille tendance dans quelques pensées modernes, mais comme beaucoup d’autres idées récentes, elles ne sonnent pas leur pur métal. Ceux qui sont si complètement maîtres d’eux qu’ils peuvent rire et s’amuser sur les arêtes elles-mêmes, libres qu’ils sont de la contrainte de la corde comme de la peur du danger, ceux-là sont beaucoup plus capables d’apprécier les gloires des « monts éternels » que ceux qui ne peuvent bouger qu’avec une crainte constante pour leur précieuse vie, au milieu des bavardages sans fin et de l’acre fumée du tabac de leurs guides jamais lavés.

Le fait qu’un homme prend son plaisir à escalader des rocs à pic ne le rend en aucun cas insensible à tout ce qu’il y a de beau dans la nature. Les deux genres de sentiments ne sont pas du tout du même ordre. Un homme peut aimer à grimper et se moquer des paysages de la montagne ; il peut être passionné pour les beautés de la nature et haïr l’escalade ; mais il peut être également touché par ces deux sentiments. Il est à présumer certainement que ceux qui sont le plus attirés par les montagnes et qui reviennent le plus constamment vers leurs splendeurs, sont ceux qui possèdent au plus haut degré ces deux sources de jouissances, ceux qui peuvent combiner la fantaisie et la gaîté d’un magnifique sport avec la joie indéfinissable qui vient du charme des formes, des tons et de la couleur des grandes chaînes.

Je suis bien libre d’avouer que, quant à moi, je grimperais encore, même, s’il n’y avait plus de paysages à voir, même si les seules escalades possibles se trouvaient dans ces grottes, dans ces horribles trous à marmites sombres des vallons du Yorkshire. D autre part, je rôde-