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L’ARÊTE DE FURGGEN

répétèrent : dès lors il ne semblait pas possible d’assigner un but à ces divagations. Puis mon esprit fut entièrement occupé par l’Arête de Furggen, et, dès que nous fûmes de nouveau en partance, je ne pensai plus à l’étrange va-et-vient de l’a petite lumière. Les guides évidemment tenaient à faire oublier les lents progrès de la nuit dernière par leur marche rapide de cette nuit ; ce fut donc avec une grande joie que je saluai notre arrivée au large plateau de pâturages marécageux qui s’étend en dessous du Lac Noir.

Quelques minutes plus tard nous étions entourés par le vacillement ensorcelé, surnaturel, d’innombrables feux follets. À chaque pas ils flottaient, à droite, à gauche, toujours, en apparition ; à peine avions-nous passé qu’ils rampaient furtivement derrière nous, suivant nos traces, inquiétants, pleins de menaces auxquelles il ne semblait pas plus possible d’échapper en s’enfuyant qu’en s’envolant.

Les guides étaient frappés d’horreur. Burgener, crispé à mon bras, murmurait d’une voix rauque : «  Les voyez-vous, Monsieur, les âmes des Trépassés. »

Nous étions marqués pour la vengeance des dieux immortels. Les démons qui hantent les escarpements du Cervin guettaient déjà leur proie ! Tel était le sens des chuchotements d’angoisse des guides. Je suis obligé de le confesser, les petites flammes bleues, rampantes, le silence absolu, la contagion de la crainte superstitieuse de mes compagnons me pénétraient d’une horreur instinctive. Je compris pourtant que, si je ne voulais pas retourner à Zermatt, déjoué et battu une seconde fois, il me fallait abandonner les délices d’une séance de spiritisme et entrer dans le vif d’une explication des faits. Mes efforts dans ce sens ont dû conduire Burgener et Venetz