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LE CERVIN

à cette conclusion erronée que chaque mètre carré d’Angleterre, d’Écosse et du Pays de Galles est illuminé, chaque nuit, par de pareils jeux de lumière, mais bien plus brillants et plus émotionnants encore. En dépit de la façon malheureuse dont mon allemand me manquait juste au moment où j’allais leur donner une preuve convaincante, les guides commençaient à penser que ces « Geister », ces Esprits, étaient, peut-être des imposteurs ; hélas : ce n’était pas tout.

« Ach lieber Herr. » « Ah ! cher Monsieur, mais n’avez-vous pas aussi vu la petite lueur errante sur le Glacier du Gorner ? Il n’y a pas de terrain marécageux là-bas. C’était donc bien un Esprit. »

En vain protestai-je que c’était une lanterne. « Une lanterne ! Que pouvait-elle bien avoir à faire là ? C’était une direction que personne ne prenait ; du reste, elle ne se mouvait pas comme une lanterne, mais elle errait de ci et de là, clignotant et tournant, précisément omme peut le faire un esprit immatériel, qui n’a aucun but. »

La position devenait en toute conscience assez sérieuse. C’est un fait bien connu (attesté par toutes les autorités ecclésiastiques des vallées de Saas, de Zermatt et d’Anzasca) que quiconque a vu un Esprit est certain d’être tué dans les vingt-quatre heures ! Je fis observer à Burgener que, ceci étant, il n’y avait aucun avantage à faire demi-tour ; en effet, ou c’étaient des Esprits, et dans ce cas nous serions fatalement tués, ou ce n’étaient pas des Esprits, et alors nous pouvions aussi bien poursuivre notre route. Les guides admirent ce dilemme, mais firent la réflexion que, même ainsi, grimper un pic avec la perspective d’être jeté bas par quelque Esprit malfaisant n’était pas d’une gaîté folle. J’opinai à cette remarque,